Non loin d'Ajaccio, dans une vaste et fertile vallée au fond de laquelle le torrent Liamone roule, sur un lit de rochers, entre des rives verdoyantes, ses eaux fraîches et tumultueuses, le gros bourg de Vico, paresseusement étendu au soleil, sommeille comme une petite ville un peu détachée des choses d'aujourd'hui. Mais ce fut, pendant des siècles, une capitale dont le vaste domaine s'étendait sur l'une des riches provinces de la Corse, l'une de celles aussi qui, le plus jalouse de son indépendance, vécut longtemps d'une vie presque autonome.
D'avoir été ainsi l'un des foyers ardents du patriotisme corse, d'être demeuré jusqu'à une époque récente, un centre important d'activité politique, administrative et militaire, Vico conserve encore aujourd'hui une notoriété et un prestige, qui le classent, dans l'opinion insulaire, bien au-dessus des villages plus riches et plus peuplés : Vicu, disent les paysans des régions voisines, hè una cità.
Et cela est vrai. De son passé de petite capitale, avec ses hautes maisons, ses hôtels, ses boutiques, ses cafés et ses promeneurs, avec aussi, les manières plus affirmées de ses habitants, l'aménité de leurs moeurs et le sel de leurs propos, avec ces mille riens , en un mot qui dénotent un long passé de vie, plus policée et moins exclusivement rustique, Vico fait vraiment encore figure de cité. Car, de même que les vieilles familles, même appauvries, gardent longtemps les marques et le prestige de leur noblesse, ainsi, les anciennes capitales conservent pendant des siècles, comme un reflet mélancolique de leur gloire d'autrefois.
D'avoir été ainsi l'un des foyers ardents du patriotisme corse, d'être demeuré jusqu'à une époque récente, un centre important d'activité politique, administrative et militaire, Vico conserve encore aujourd'hui une notoriété et un prestige, qui le classent, dans l'opinion insulaire, bien au-dessus des villages plus riches et plus peuplés : Vicu, disent les paysans des régions voisines, hè una cità.
Et cela est vrai. De son passé de petite capitale, avec ses hautes maisons, ses hôtels, ses boutiques, ses cafés et ses promeneurs, avec aussi, les manières plus affirmées de ses habitants, l'aménité de leurs moeurs et le sel de leurs propos, avec ces mille riens , en un mot qui dénotent un long passé de vie, plus policée et moins exclusivement rustique, Vico fait vraiment encore figure de cité. Car, de même que les vieilles familles, même appauvries, gardent longtemps les marques et le prestige de leur noblesse, ainsi, les anciennes capitales conservent pendant des siècles, comme un reflet mélancolique de leur gloire d'autrefois.

La notoriété de Vico date de très loin, elle était depuis longtemps, considérable. Au temps de Filippini, le célèbre historien souligne en ces termes son importance, dans les pages qu'il consacre à l'état de la Corse en 1594 : Vico "On trouve ensuite la pieve de Sevidentro ( Cantons d'Evisa et de Piana), qui se rattache à celle de Vico et qui contient cinq villages, parmi lesquels Cristinacce, dont le nom est aussi celui d'une famille de gentilshommes (Casata di Gentiluomini).
Puis la pieve de Vico, la plus importante de celles que comprend l'évêché de Sagone, et qui compte vingt villages dont le principal porte le nom de Vico; on y trouve un couvent de frères mineurs... La pieve de Vico produit des céréales en abondance, d'excellents vins, du bétail, du chanvre. On voit, près du village de Sorro, ces bains de Vico tant renommés. Elle est traversée par le fleuve Liamone, qui sort des monts, parcourt plusieurs villages, passe près des ruines du château de Leca, et, à son embouchure est entouré d'une plaine riante et fertile.
Puis vient la pieve de Sorroinsu (Canton de Soccia), qui dépend de celle de Vico."
Il résulte de ce passage que, au XVIe siècle, la province dont Vico était la capitale, comprenait plus de 25 villages. Et même, son rayonnement politique et administratif s'étendait beaucoup pus loin jusqu'au Cruzzini d'un côté et jusqu'au Niolu englobés dans la sphère d'activité des Leca , suzerains de Vico.
Puis la pieve de Vico, la plus importante de celles que comprend l'évêché de Sagone, et qui compte vingt villages dont le principal porte le nom de Vico; on y trouve un couvent de frères mineurs... La pieve de Vico produit des céréales en abondance, d'excellents vins, du bétail, du chanvre. On voit, près du village de Sorro, ces bains de Vico tant renommés. Elle est traversée par le fleuve Liamone, qui sort des monts, parcourt plusieurs villages, passe près des ruines du château de Leca, et, à son embouchure est entouré d'une plaine riante et fertile.
Puis vient la pieve de Sorroinsu (Canton de Soccia), qui dépend de celle de Vico."
Il résulte de ce passage que, au XVIe siècle, la province dont Vico était la capitale, comprenait plus de 25 villages. Et même, son rayonnement politique et administratif s'étendait beaucoup pus loin jusqu'au Cruzzini d'un côté et jusqu'au Niolu englobés dans la sphère d'activité des Leca , suzerains de Vico.
Le meilleur titre de gloire de Vico, c'est d'avoir été de tout temps, l'un des centres les plus résistants du patriotisme insulaire. A l'époque où la lutte contre la domination étrangère présentait un caractère d'exceptionnelle violence, aux XIVe et XVe siècles, avec les Leca, puis avec l'immortel Sampiero Corso, c'est à Vico que les héros de notre indépendance trouvèrent les plus obstinés défenseurs.
Résidence habituelle au XVe siècle, de cette puissante et valeureuse famille de Leca, dont la principale forteresse , véritable nid d'aigle, se trouvait près du village d'Arbori, Vico, mêlé à toutes les phases de la lutte contre Gênes, a été souvent ensanglanté par elle. C'est là que Raffé de Leca, seigneur de Vico, de la Cinarca, du Niolu, du Sia, de Sevidentro, de Sorroinsu et du Cruzzini se battit vaillamment à Murzo, à Renno, dans toute la région. Mais accablé sous le nombre, il fut assassiné à Vico, après le massacre au château d'Arbori, par vingt-deux membres de la famille de Leca, tombée par trahison , entre les mains des Génois. Fier de cet exploit honteux, le gouverneur Antoine Spinola fit mettre le cadavre de Raffé en quartiers qu'il envoya, comme des trophées, à Corte, Calvi, Bonifacio et Saint Florent, quant à la tête, morceau de choix, il l'expédia à Gênes dans un baril de sel ...
C'est à Vico encore, que trois ans plus tard, le même Spinola déshonora son nom à tout jamais, par une odieuse forfaiture. Ayant offert à ses ennemis une paix honorable, il les attira dans un guet-apens, tandis que confiants et sans armes, ils avaient pris place au banquet de réconciliation, il fit saisir traîtreusement par les bourreaux et décapiter vingt trois membres de la famille Leca. Mais ces cruautés et ces perfidies, loin d'abattre la fierté des gens de Vico, ne faisaient qu'endurcir leur courage et exalter en eux la haine de l'oppresseur.
Les génois, prisonniers de leurs crimes, tremblaient devant leurs victimes. Et, dans un curieux document de 1484, nous voyons un fonctionnaire de la sérénissime république conseiller son gouverneur : "de brûler la pieve de Vico et de détruire à peu près toute la population".
Ce féroce bureaucrate ne se méprenait pas sur les sentiments des gens de chez nous : lorsque surgît, vers la même époque, l'un des héros les plus marquants de l'histoire de la Corse, Jean Paul de Leca, tous les siens, malgré les ruines accumulées et les barbaries d'une guerre implacable, combattirent à ses côtés, sans défaillance.
Après Jean Paul , c'est encore dans cette région que Sampiero Corso trouva les partisans les plus ardents, ceux qui étaient restés dévoués jusqu'au bout à l'idée patriotique qu'il avait si héroïquement incarnée. A la fin de sa vie, pendant la période la plus dure de la lutte contre Gênes, il séjourna très fréquemment à Renno et à Vico où il trouvait, auprès d'amis sincères et désintéressés, la sécurité et de précieux concours. Au moment où tant d'autres l'abandonnaient, alors que la trahison commençait à rôder autour de lui, ceux que l'on voit toujours fidèles à ses côtés sont Francesco et Lorenzetto de Renno, Jean Baptiste Fieschi et, surtout, ce valeureux Jean de Coggia qui porta de si rudes coups aux génois.
Après l'assassinat de Sampiero, ce sont encore des gens de la région de Vico que l'on trouve parmi les quelques fidèles obstinément groupés autour d'Alphonse, fils du héros, pour continuer avec lui une lutte désormais impossible : Francesco de Renno, Giudice d'Arbori, Giovanni de Nesa, Jean Martin de Coggia, furent les suprêmes remparts de la patrie corse accablée par le destin. Après les combats de Renno et du col de St Antoine, près de Vico, ce fut la fin. Alphonse passa à Vico ses derniers jours de Corse, puis il partit pour la France sans esprit de retour.
Et parmi les rares amis qui s'expatrièrent avec lui, il y avait encore des gens de Vico : Jean de Coggia, François, Simon et Pierre de Renno...
Résidence habituelle au XVe siècle, de cette puissante et valeureuse famille de Leca, dont la principale forteresse , véritable nid d'aigle, se trouvait près du village d'Arbori, Vico, mêlé à toutes les phases de la lutte contre Gênes, a été souvent ensanglanté par elle. C'est là que Raffé de Leca, seigneur de Vico, de la Cinarca, du Niolu, du Sia, de Sevidentro, de Sorroinsu et du Cruzzini se battit vaillamment à Murzo, à Renno, dans toute la région. Mais accablé sous le nombre, il fut assassiné à Vico, après le massacre au château d'Arbori, par vingt-deux membres de la famille de Leca, tombée par trahison , entre les mains des Génois. Fier de cet exploit honteux, le gouverneur Antoine Spinola fit mettre le cadavre de Raffé en quartiers qu'il envoya, comme des trophées, à Corte, Calvi, Bonifacio et Saint Florent, quant à la tête, morceau de choix, il l'expédia à Gênes dans un baril de sel ...
C'est à Vico encore, que trois ans plus tard, le même Spinola déshonora son nom à tout jamais, par une odieuse forfaiture. Ayant offert à ses ennemis une paix honorable, il les attira dans un guet-apens, tandis que confiants et sans armes, ils avaient pris place au banquet de réconciliation, il fit saisir traîtreusement par les bourreaux et décapiter vingt trois membres de la famille Leca. Mais ces cruautés et ces perfidies, loin d'abattre la fierté des gens de Vico, ne faisaient qu'endurcir leur courage et exalter en eux la haine de l'oppresseur.
Les génois, prisonniers de leurs crimes, tremblaient devant leurs victimes. Et, dans un curieux document de 1484, nous voyons un fonctionnaire de la sérénissime république conseiller son gouverneur : "de brûler la pieve de Vico et de détruire à peu près toute la population".
Ce féroce bureaucrate ne se méprenait pas sur les sentiments des gens de chez nous : lorsque surgît, vers la même époque, l'un des héros les plus marquants de l'histoire de la Corse, Jean Paul de Leca, tous les siens, malgré les ruines accumulées et les barbaries d'une guerre implacable, combattirent à ses côtés, sans défaillance.
Après Jean Paul , c'est encore dans cette région que Sampiero Corso trouva les partisans les plus ardents, ceux qui étaient restés dévoués jusqu'au bout à l'idée patriotique qu'il avait si héroïquement incarnée. A la fin de sa vie, pendant la période la plus dure de la lutte contre Gênes, il séjourna très fréquemment à Renno et à Vico où il trouvait, auprès d'amis sincères et désintéressés, la sécurité et de précieux concours. Au moment où tant d'autres l'abandonnaient, alors que la trahison commençait à rôder autour de lui, ceux que l'on voit toujours fidèles à ses côtés sont Francesco et Lorenzetto de Renno, Jean Baptiste Fieschi et, surtout, ce valeureux Jean de Coggia qui porta de si rudes coups aux génois.
Après l'assassinat de Sampiero, ce sont encore des gens de la région de Vico que l'on trouve parmi les quelques fidèles obstinément groupés autour d'Alphonse, fils du héros, pour continuer avec lui une lutte désormais impossible : Francesco de Renno, Giudice d'Arbori, Giovanni de Nesa, Jean Martin de Coggia, furent les suprêmes remparts de la patrie corse accablée par le destin. Après les combats de Renno et du col de St Antoine, près de Vico, ce fut la fin. Alphonse passa à Vico ses derniers jours de Corse, puis il partit pour la France sans esprit de retour.
Et parmi les rares amis qui s'expatrièrent avec lui, il y avait encore des gens de Vico : Jean de Coggia, François, Simon et Pierre de Renno...

Sampiero Corso
Vico, vieille capitale ennoblie par tant de luttes et de souffrances, pour la patrie corse, petite ville autrefois vivante, riche et prospère, sommeille aujourd'hui au soleil, dans son cadre merveilleux de montagnes, de vallées, de champs et de vergers.
Sa destinée est un symbole : un passé glorieux, des mérites incomparables, d'admirables trésors d'énergie, d'intelligence et de vie, tout cela pour aboutir à l'abandon, à la pauvreté et à la résignation découragée... C'est l'histoire de Vico !
Et c'est aussi quelle douleur celui de la Corse entière...
Paul Fontana
Sa destinée est un symbole : un passé glorieux, des mérites incomparables, d'admirables trésors d'énergie, d'intelligence et de vie, tout cela pour aboutir à l'abandon, à la pauvreté et à la résignation découragée... C'est l'histoire de Vico !
Et c'est aussi quelle douleur celui de la Corse entière...
Paul Fontana